Azélie, en thèse à l’école doctorale Cultures et Sociétés d’Université Paris-Est, donnait des TD de Techniques de travail universitaire au premier semestre en L1 parcours « Musique et Métiers du son » à l’UPEM. Pour aborder de nouveaux domaines dans son cours, elle a fait venir un intervenant extérieur. Elle nous propose un petit bilan de cette expérience, et quelques conseils pour vous lancer vous aussi !
J’ai eu la chance de pouvoir accueillir un intervenant extérieur dans mon TD du premier semestre, qui m’a aidée à étudier un champ encore peu entré dans les universités, les jeux vidéo. Je vais ici reprendre le fil de cette expérience qui a été riche et stimulante, et de vous présenter quelques suggestions pour mettre en place un tel événement.
Oser faire venir un autre intervenant dans son cours
Faire venir quelqu’un dans son cours ne va pas de soi, surtout quand on est doctorant ou jeune enseignant : il vaut mieux avoir assez confiance en soi pour oser se montrer à une personne extérieure ! Ces appréhensions sont légitimes, mais peuvent être dépassées par un peu d’audace, et une bonne préparation.
Un intervenant, pour quoi faire ?
Surtout, il est assez naturel de se demander quel intérêt on peut trouver à laisser ainsi un temps de parole à une personne extérieure qui, éventuellement, peut retarder le cours, ou ne pas s’intégrer au déroulement prévu. Il me semble très important de ne pas solliciter des gens pour le simple plaisir, mais de vraiment construire leur venue comme un point du programme. Pour mon cours de méthodologie (T.T.U., techniques du travail universitaire) avec les L1 « Musique et sons » de l’UPEM, je m’appuyais sur les rapports entre littérature et musique pour nourrir la réflexion. J’ai décidé d’élargir ce cadre littéraire à « musique et arts du récit » pour prendre en compte le cinéma et les jeux vidéo, mais sans jouer moi-même, j’étais incapable de présenter quelque chose de pertinent. Faire venir quelqu’un me m’amenait à aborder un sujet qui les intéressait autant que moi, tout en étant plus solide.
Surtout, faire venir un intervenant a aussi permis aux étudiant·e·s de voir une personnalité à plusieurs facettes : Charles Bardin (l’intervenant) est chroniqueur de l’émission web After Bit (de jeuxvideo.com) et lui-même compositeur de musiques de jeux : il a donc parlé d’un point de vue théorique et pratique, et les étudiants et étudiantes ont pu lui poser des questions sur son parcours ou la travail de la composition pour ce médium particulier.
Choisir et contacter l’intervenant
Je regardais moi-même l’émission de Charles Bardin avant de me poser la question de sa venue, il était donc facile de penser à lui. En fait, il est possible de vouloir faire venir quelqu’un et de choisir ensuite la personne, tout comme on peut garder cette possibilité au moment de la préparation du cours, et repérer un nom, un travail. Le contacter a été relativement facile : je suis passée par la page Facebook de l’émission, en me présentant et en demandant si un ou les deux chroniqueurs seraient partants pour venir. De la page de l’émission, le contact est passé sur les pages personnelles et par mail pour les détails pratiques. Dans tous les cas, il faut être très attentif à la volonté de la personne qu’on entre en contact avec elle : ça n’est parfois pas possible.
Légitimer la démarche
Si l’intervenant est partant, il faut ensuite faire accepter l’intervention aux responsables pédagogiques. Plusieurs obstacles peuvent apparaître ici : les budgets peuvent ne pas être suffisants (normalement, il n’est pas possible de faire venir des gens sans les rémunérer, et surtout sans les défrayer de leurs frais de transport), le désaccord peut être de principe (c’était ma principale crainte avec un domaine encore peu abordé par les universitaires comme celui des jeux vidéo), ou pour des raisons administratives plus largement. Il est impossible de faire venir quelqu’un sans avoir l’accord de votre responsable et sans prévenir votre hiérarchie, mais je vous conseille de quand même d’abord contacter l’intervenant et de vous lancer dans ces démarches une fois que vous avez son accord.
Pour convaincre votre hiérarchie, il vous faut justifier l’intérêt de votre initiative : le projet entre dans le cadre de votre programme, n’est pas trop onéreux, touche à un domaine de l’actualité ou apporte une dimension nouvelle et non universitaire. Dans le cas de Charles Bardin, tout fonctionnait : l’apport théorique, son statut de compositeur en plus de son émission web. Il faut vraiment démontrer la légitimité de l’intervenant et présenter les points qui seront abordés en cours.
Comment faire ? Frais et administratif
Cet accord obtenu, il vous faudra vous coordonner avec votre département d’enseignement pour gérer les problèmes administratifs liés aux frais de transport et au règlement de l’intervenant. Il y a deux manières de faire venir quelqu’un : une première solution consiste à remplir une fiche de poste, pour intégrer l’intervenant au personnel de l’université en « vacataire extérieur ». Il est alors rémunéré au même tarif que les vacataires extérieurs et ne touchera cet argent qu’à la fin du semestre. Une autre solution est d’avoir recours à une association qui sert d’intermédiaire : l’association peut permettre de rémunérer plus rapidement l’intervenant (frais de transport et taux horaire), et est remboursée ultérieurement par l’université. Dans mon cas, c’est le Redoc qui a servi d’intermédiaire et a soutenu la venue de Charles Bardin.
Soit c’est l’intervenant qui avance l’argent nécessaire pour ses frais de déplacement, soit c’est l’association ; il reste plus facile de demander cette avance à l’intervenant, mais il faut bien conserver tous les justificatifs de paiement.
Préparer le cours
Votre intervenant n’est pas forcément universitaire et habitué au format d’un cours, et doit dans tous les cas savoir ce que vous attendez de lui : pensez à bien indiquer vos attentes, celles de votre public, et à prendre en compte l’avis de votre intervenant !
Bien sûr, si vous faites venir quelqu’un, vous devez présenter cette personne à vos étudiants et étudiantes en quelques phrases, et leur en avoir déjà parlé pour qu’ils puissent approfondir la thématique du cours et préparer des questions. J’ai moi-même préféré revoir toutes les chroniques de Charles Bardin, et lire des critiques de plusieurs jeux pour ne pas rester démunie par sa présentation !
En dernière phase, vous devez vous réserver un peu de temps avant le cours pour discuter avec l’intervenant, vous mettre d’accord sur quelques détails, partager un café ou un repas et ajouter la convivialité à toutes ces démarches.
Pendant le cours : qui parle ? Comment faire ?
La répartition de la parole pendant le cours est à prendre en compte en amont, et vous devez vous mettre d’accord avec l’intervenant. Rappelez vous que si quelqu’un se déplace jusqu’à votre salle, il vaut mieux lui laisser la plus grande marge de manœuvre possible, et privilégier son interaction avec celle du public. Mais vous devez aussi animer la séance : vous devez le présenter, lancer les questions si elles tardent, éventuellement gérer des bavardages… vous êtes toujours en cours !
La question de votre place dans la salle est aussi à prendre en compte : restez-vous côte à côte au bureau, debout, au premier rang ou au fond de la salle ? Cette question dépend de vos habitudes d’enseignement et de votre aise ; n’hésitez pas non plus à vous déplacer !
Un bilan très positif !
Le bilan de cette expérience a été très positif pour tous, et Charles Bardin devrait revenir l’an prochain à l’UPEM : l’U.F.R. a beaucoup apprécié l’ouverture du cours sur de nouveaux médias et supports, les étudiants et étudiantes ont adoré rencontrer un chroniqueur dont beaucoup suivaient déjà le travail, et Charles lui-même était ravi de pouvoir dialoguer « en direct » ; le cours lui-même s’est fini dans la convivialité, autour d’un verre avec ceux qui voulaient prolonger les échanges (et profiter d’une séance de dédicaces sauvage !).
Organiser ce cours particulier a quand même nécessité un gros engagement, qu’il faut mesurer avant de se lancer et garder pour des moments sans autre échéance.
Pédagogiquement, c’est une réussite : les étudiants ont été aussi intéressés par les aspects théoriques que pratiques, et ont été très reconnaissants de l’initiative : beaucoup sont venus me remercier en particulier, et les dernières séances ont pu se poursuivre dans une très bonne ambiance. C’est donc une expérience très gratifiante, qui permet de bousculer un peu les cadres académiques tout en favorisant de nouvelles rencontres et de nouveaux échanges !
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